Horizon perdu, vue d'exposition (2018)
Horizon perdu 17 jan.— 16 fév. 2019
16
fév.
2019
Vernissage
Jeudi 17 janvier 2019, 17h-20h
en présence de l’artiste
Souvent on simplifie pour mieux saisir : ensuite, afin d’entrer dans la complexité des choses, il est nécessaire de reprendre (1).
– Georges Bataille
Point de vue : Mon œil est à 1.60 mètre du sol lorsque je suis debout. À cette hauteur, il pourrait voir jusqu’à 4.5 kilomètres sans distorsion, ce qui correspond à la limite optique de la courbe de la terre. Pour faire l’expérience de ce phénomène, il faudrait être devant la mer, ou devant une étendue plane comme un champ de la Saskatchewan. Là, on peut voir la distance entre notre point de vue et l’horizon. C’est l’espace que j’ai voulu représenter dans ces dessins : des carrés composés par la règle des tiers, dans lesquels seul l’horizon construit l’espace pictural. Une sorte de ligne fuyante, rapide et figée. Il n’y a rien d’autre devant. Le ciel glorieux surplombe cette perspective. Dispersés dans l’espace de la galerie comme une série d’ouvertures sur l’obscurité, les paysages noirs font figure d’obstructions visuelles, d’emblèmes philosophiques et de déserts sémantiques. Il nous faudra passer au-delà l’horizon.Maurice (2), une petite échelle en bronze, nous y mènera dans son mouvement vertical.
– Mathieu Beauséjour
La Galerie Antoine Ertaskiran est ravie de présenter Horizon perdu, la quatrième exposition personnelle de Mathieu Beauséjour en ses murs. Regroupant les plus récentes œuvres produites par l’artiste, le corpus – composé de dessins, collages, sculptures et vidéos – est issu d’un travail en atelier activé par des gestes répétés privilégiant une économie des moyens de production.
Nichées dans la marge, entre résistance, opposition et détournement, les œuvres de Mathieu Beauséjour relèvent de préoccupations pour les objets et les symboles du pouvoir, ainsi que pour la construction de l’Histoire. Au fil de sa pratique, l’artiste réfléchit à la place de la marginalité dans un monde normatif et ici, de façon plus précise, sur des espaces construits, leurs mémoires et leurs réactivations en objets d’art.
Créés lors des canicules estivales montréalaises, les dessins de Beauséjour posent un regard sur notre monde qui se disloque. Les perspectives qui composent les dessins se rabattent sur elles-mêmes dans l’obscurité. À l’inverse, les multiples lignes tracées au graphite sur papier noir, rappelant les rayons du soleil, offrent une dimension lumineuse au dessin. Ces compositions réaffirment les recherches formelles et plastiques de l’artiste sur l’interrelation d’un centre et de sa marge, sur l’idée de la série et de l’image et du geste répété pour évoquer un continuum.
Alors que Caspar David Friedrich a peint une myriade de paysages à perte de vue, la série de vingt-trois collages intitulés Horizons perdus de Beauséjour superpose des publicités des années 1970 et 1980 de bars gais américains à des reproductions du peintre allemand. Cette rencontre improbable et anachronique évoque à la fois la nostalgie et la disparition de lieux emblématiques d’une culture éclipsée, véritable duplication de ruines dans les ruines romantiques. Loin d’être anodines, les images publicitaires mettent en lumière certains éléments paysagers. Ainsi, Horizons perdus (The Hole) laisse entrevoir une étendue verdoyante dans laquelle se creuse une carrière de sable, alors que Horizons perdus (The Spike) offre à voir la cime d’une montagne s’élevant au-dessus des nuages.
Dans la seconde salle d’exposition, l’œuvre No, réalisée à partir d’un extrait de film érotique noir et blanc du début des années 1960 déniché par l’artiste sur eBay, est un dispositif vidéo où on voit un jeune homme refuser d’un hochement de tête. Dédoublé et mis en boucle, la tête de l’homme se brouille de gauche à droite dans la négation et dans la répétition de cette négation. Finalement, à travers Abandon II : le cinéma, Beauséjour poursuit un travail de maquette où il recrée, selon ses souvenirs, des lieux désormais disparus (3).
Mathieu Beauséjour vit et travaille à Montréal. Les œuvres de l’artiste ont été exposées au Canada et en Europe, à l’occasion de nombreuses expositions telles que Mathieu Beauséjour: Les formes politiques, au musée des beaux-arts de Montréal en 2016, La révolte de l’imagination – une rétrospective au Musée régional de Rimouski en 2015, lors de la Manif d’art 7 de Québec en 2014 et au Musée d’art contemporain de Montréal lors de la Triennale Québécoise en 2011. Son travail a fait l’objet de plusieurs catalogues d’exposition, dont La Révolte de l’imagination, paru en mars 2015. Ses oeuvres font partie de diverses collections privées et publiques, telles que la collection du Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée national des beaux-arts du Québec.
Pour consulter le profil de l’artiste, cliquez ici.
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(1) Bataille, Georges (2016). La limite de l’utile. Lignes, Paris, p.80.
(2) Selon l’ordre alphabétique Maurice est le premier prénom masculin français après Mathieu.
(3) Une première maquette Abandon était présentée dans l’exposition Rendez-vous au Musée d’art contemporain des Laurentides à l’été 2017.
L’artiste tient à remercier l’Atelier Clark.